EDF confronté à un problème de sûreté nucléaire

Près de la moitié des réacteurs nucléaires – 25 réacteurs sur 58, 19 centrales seraient concernées – sont menacés par un phénomène d'usure des gaines de combustibles, selon un document interne à  que s'est procuré Mediapart. L'électricien bataille contre l'Agence de sûreté (ASN), qui envisage des mesures de restriction d'exploitation pour prévenir les risques de rupture de ces enveloppes métalliques. Leur tenue est essentielle au bon fonctionnement des centrales nucléaires car les gaines de combustibles constituent la première barrière de sûreté . L'ASN est censée rendre un avis sur ce sujet dans les jours à venir.

Économies budgétaires vs sûreté nucléaire

Ce problème démontre bien le peu de cas que fait de la sûreté nucléaire : c'est un bel exemple de l'arbitrage qui est fait entre rentabilité économique et sûreté nucléaire par les opérateurs électriques. Jusqu'ici, EDF exploitait au maximum (quatre ans) ses barres de combustible pour éviter de les changer trop souvent et donc de provoquer la mise à l'arrêt du réacteur, l'empêchant dès lors de maximiser les profits. Ce type de mesure a affecté l'ensemble des gaines concernées : on ne peut pas rester les bras croisés face à un tel problème, les économies budgétaires ne peuvent se faire au détriment de la sûreté nucléaire.

Les gaines de combustible sont un élément central de la sûreté nucléaire, elles se situent dans le cœur du réacteur. Elles doivent donc êtres totalement étanches pour éviter tout risque d'irradiation des travailleurs. Un autre risque est que les éléments radioactifs qui traversent la gaine se répandent dans le circuit primaire du réacteur, contaminant alors les tuyauteries et d'autres parties du bâtiment réacteur. Enfin, en cas d'accident grave dans le réacteur, la fragilité des gaines compromettrait les réactions prévues dans les plans d'urgence, lors du déplacement des barres de combustible par exemple.

Aujourd'hui, le plus gros risque pour EDF serait que l'ASN exige de retirer toutes les gaines en zircaloy du parc, ce qui entraînerait automatiquement l'arrêt de l'ensemble des réacteurs concernés et priverait donc la France de près de la moitié de sa production d'électricité, provoquant une explosion des coûts pour les consommateurs. Ce serait désastreux d'un point de vue énergétique et économique, mais sans commune mesure avec un accident nucléaire aussi grave qu'incontrôlable.

EDF doit accepter les règles imposées

Cette révélation surgit alors même qu'EDF tente de convaincre les autorités françaises d'allonger la durée d'exploitation du parc nucléaire au-delà de 40 ans. Les écologistes avaient déjà prévenu des risques encourus par une telle décision, puisque nous rentrons dans une zone d'incertitude concernant la robustesse des matériaux : nous sommes exposés à n'importe quel problème générique qui affecterait une grande partie du parc. L'ASN est la seule autorité légitime pour préserver la sûreté du parc, elle a été créée en ce sens et EDF doit accepter les règles qui lui sont imposées.

Alors que plus d'un tiers des centrales nucléaires européennes ont dépassé les 30 ans d'activité et que les opérateurs cherchent à accroître leurs bénéfices en allongeant leur durée d'activité, ce problème doit être pris au sérieux.

C'est pour cette raison que Nuclear Transparency Watch va lancer des auditions d'experts sur les risques posés par un allongement de la durée des réacteurs nucléaires : ce sujet doit faire l'objet d'une attention médiatique et populaire inédite, nous n'aurons pas l'opportunité d'avoir ce débat deux fois.

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Source(s): Rue89 / Par Michèle Rivasi, le 08.02.2014 / Relayé par Meta TV )

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