Comment Bercy tente à nouveau de saigner l’armée à blanc

Ce n'était qu'une rumeur, c'est désormais une certitude : en pleine chasse aux 50 milliards d'euros d'économies promises par , Bercy envisage, un an après une première tentative infructueuse, une véritable saignée financière pour les armées. Les Echos (lesechos.fr/entreprises-secteurs/air-defense/actu/afp-00602429-juppe-et-des-economies-dans-la-defense-nous-sommes-dans-l-os-670520.php) avançaient ce matin le chiffre de 2,3 milliards d'euros de coupes d'ici à 2017. Le député UMPX avier Bertrand assurait, lui, dimanche que le gouvernement envisageait des coupes de “1,5 à 2 milliards par an pendant trois ou quatre ans”, soit une facture totale de 4,5 à 8 milliards.

Si le ministre des Finances Michel ​Sapin a assuré ce mardi après-midi lors des questions au gouvernement que ces chiffres “n'ont rien à voir avec la réalité”, les premiers échanges entre la Défense et Bercy laissent augurer un véritable tsunami financier: “Certains à Bercy défendent des coupes qui font exploser en vol la loi de programmation militaire (LPM) votée il y a cinq mois, assure-t-on de très bonne source. Avec certaines hypothèses, on est même au-delà du «scénario Z» défendu par le ministère du Budget en octobre 2012.”

Une catastrophe sans précédent

Ce fameux “scénario Z” –un budget passant en deux ans de 31,4 milliards d'euros à 28 milliards- semblait pourtant bien mort et enterré. lui-même avait annoncé sur , le 29 mars 2013, que le budget de la défense allait rester stable à 31,4 milliards d'euros durant les prochaines années. La LPM votée en décembre dernier avait confirmé cette stabilité, prévoyant même une légère augmentation en volume à la fin de la programmation.

La mise au point présidentielle avait coupé court au scénario honni des armées, qui se serait traduit, selon les calculs de l'époque, par 50.000 nouvelles suppressions d'emploi au ministère et 30.000 dans l'industrie de défense.

Éjecté par la porte, le “scénario Z” semble donc revenir par la fenêtre. “On pensait le pire passé, il est finalement peut-être devant nous”, souffle un industriel de la défense. Le retour de ce plan d'économies sanglant serait une catastrophe sans précédent pour un outil de défense français déjà durement mis à contribution.

“On est vraiment à l'os”

La LPM prévoit 33.675 suppressions de postes sur la période 2014-2019, après 44.000 départs lors de la précédente LPM. Le général Vincent Desportes rappelait récemment que la défense encaisse 60% des suppressions de postes de la fonction publique en 2014, alors qu'elle représente seulement 10% des effectifs.

Au total, les effectifs de la défense auront fondu de 25% entre 2008 et 2020! “On est vraiment à l'os, alors que les missions ne cessent de s'élargir, entre le , la , et la lutte contre  annoncée par François Hollande”, explique-t-on au ministère.

Un nouveau coup de sécateur serait d'autant plus douloureux que la LPM votée fin 2013 comportait déjà son lot de paris et de fragilités :

elle prévoit une quarantaine de commandes de Rafale à l'export, ce qui est encore loin d'être gagné. Elle anticipait aussi, pour boucler les fins de mois, 6,1 milliards d'euros de ressources exceptionnelles, les fameuses REX, sous la forme de cessions immobilières ou ventes de fréquences télécom.

Celles-ci apparaissent plus qu'hypothétiques : la vente de la fréquence dite des 700Mhz dès 2015, dont le ministère espère plusieurs  milliards d'euros, relève du “mirage”, selon un familier du secteur, vu le retard pris par le processus. Il faudrait donc enclencher des ventes de participations de l'État rapidement pour combler le trou béant au plus vite, ce qui reste hautement hypothétique.

La DGA au bord de la cessation de paiement

Bref, le ministère n'a guère de marge de manœuvre. Même à très court terme et hors coupes budgétaires type scénario Z, l'équation budgétaire est ultra-tendue :

comme le rappellent Les Echos, 300 à 350 millions d'euros de crédits devraient être annulés pour la défense sur le 1,6 milliard d'économies nécessaire pour que le gouvernement tienne son objectif de déficit en 2014. Le ministère de la Défense attend aussi des nouvelles des 500 millions d'euros de crédits annulés en 2013, qui devaient être compensés par 500 millions d'euros de ressources exceptionnelles en 2014. Une somme dont le ministère risque fort de ne jamais voir la couleur.

Ce double trou, s'il se confirme, met en péril tout le ministère. “La Direction générale de l'armement est au bord de la cessation de paiement, assure un proche du dossier. On ne peut plus guère jouer sur les reports de charges, qui atteignent plus de 2 milliards d'euros.” Si les coupes se confirment, ce sont les programmes d'armement, déjà objet de longues renégociations dans le cadre de la LPM, qui vont payer le prix fort. 

Le Drian prêt à démissionner ?

Parmi les conséquences possibles, assure-on de bonne source, le report sine die de la commande d'avions ravitailleurs MRTT, de la deuxième tranche de de surveillance Reaper, mais aussi du lancement du programme Scorpion de modernisation des équipements de l'armée de terre. “Ça reviendrait à flinguer Nexter et toute la filière française d'armement terrestre”, assure-t-on de même source.

Selon l'intensité des coupes, d'autres programmes pourraient être reportés, voire annulés : les programmes de satellites d'observation optique Musis, de satellites de renseignement électromagnétique Ceres, voire des programmes en cours type Rafale, frégates Fremm ou sous-marins d'attaque Barracuda. Armé de ces arguments, le ministre de la Défense va monter au front pour convaincre l'Élysée de remettre une nouvelle fois au placard le scénario Z honni. François Hollande et  ont coutume de se voir tous les mercredi matin avant le conseil des ministres :
 

l'entretien de ce mercredi 14 mai s'annonce déjà décisif. D'autant que ce proche du Président semble prêt à mettre sa démission dans la balance.

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Source(s) : ​Challenges / ​Par Vincent Lamigeon, le 14.05.2014

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